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Une mission.

Elle a peine 4 ans. Peut-être un peu plus. La joliesse de son visage est vite oubliée par l’immense sac usé qu’elle pousse devant elle.

À mesure que ses bras déploient l’effort surhumain que son action exige, son corps s’arque. On devine la sueur au-dessus de sa lèvre supérieure et sur son front. Ce dernier est chiffonné, froncé par l’ardeur de son jeune âge.

Elle travaille laborieusement, régulièrement, sans arrêt.

Si on lui prête un peu attention, on peut percevoir le son de son effort : comme un plainte sourde qui ne se hausse pas, ni ne diminue. La complainte fait-elle effet d’encouragement à ses oreilles? Nul ne le sait.

Étendues, ses mains sont crispées sur les épaisses parois de plastique. Ses doigts écartés et tendus pâlissent par la tension.

Toute tournée vers son projet, elle ne pense à rien d’autre que cette force dans son jeune corps, cette énergie désespérée qui l’entraine à bousculer son bien-être pour aller au-delà de ses capacités. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, son amas plastifié semble presque plus gros qu’elle-même.

La butte qui finalement arrête le glissement de la sacoche n’est pas prévue.

L’enfant s’immobilise et regarde son adversaire : celui qui l’empêche de continuer sa tâche. Avec ses pieds et ses poings, elle entreprend d’aplanir le sable et la terre qui se sont emmêlés sur sa route pour aggraver sa corvée. Lorsqu’elle réussit, un semblant de sourire étire ses lèvres brièvement.

Dans le petit boisé où elle se retrouve, elle sait qu’elle approche de son but.

Lorsqu’enfin elle l’aperçoit, elle récupère momentanément toute sa vigueur jusqu’à ce qu’elle le rejoigne.

Elle se penche et place doucement la main sur son front : « Grand-papa, dit-elle la voix remplie d’amour, je t’ai apporté un cadeau à toi qui aime tant les trains… »

Lorsqu’elle sort l’immense monorail jouet de la poche qu’elle a trainée, elle ne ressent plus les douleurs de son jeune corps. Les yeux de son aïeul prennent toute son attention. La lumière qu’ils contiennent suffit à lui exprimer sa reconnaissance.

Le grand-père, trop faible, ne peut répondre mais il délie lentement ses doigts et en guise de remerciement lui tend une friandise.