Dans mon rêve, je suis au-dessus d’une mêlée : femmes, hommes, enfants. Convaincue qu’ils doivent tous être vêtus de gris, je harangue mon groupe, les exhortant à s’habiller comme je l’exige. Je prône aussi un équilibre irrécusable dans les dépenses de ma collectivité sans m’attarder sur les besoins dont ils me feraient mention si d’aventure il me prenait le loisir de les écouter. Je planifie des échéanciers, explique de nouveaux projets, élabore un calendrier et prévoie un emploi du temps serré pour chacun. J’assure que le tout est établi pour leur bien-être mais peu d’entre eux le croient.

Durant mon long discours, j’échappe quelques unités humaines. Parfois un enfant, parfois un adulte disparait soudainement. Au début je m’arrête quelques secondes à chaque départ, puis je n’ai qu’un léger soubresaut, ensuite je saute une syllabe et finalement je ne le remarque même plus.

Alors, des groupes de nouveaux arrivants rejoignent les premiers, faisant autant de taches de nouvelles couleurs dans l’ensemble homogène. J’en suis toute retournée et je prie fermement certaines personnes choisies avec soin de se hâter d’apporter d’autres longues blouses grises. Je déclare ces dernières taxées, ainsi que la salle dans laquelle nous nous trouvons.

Ma harangue se transforme presque en dictature tandis que l’argent sonne dans mes coffres. Je promets, je promets. Les vêtements gris deviennent uniformes, mon assemblée se mute en bataillon.

Le sang coule et je ne m’en inquiète pas. Au contraire je m’en vois grandie.

Je ne connais rien aux droits humains ni à la solidarité. J’assure que le tout est établi pour le bien-être de mes sujets mais peu me croient.

Je suis Première Ministre de ma planète. Présidente. Gouvernante suprême.

Mes initiales brillent sur mon astre. Elles sont gigantesques.

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