Je n’arrive pas à savoir où je suis. Le silence règne, si étrange qu’il menace de défoncer les tympans ou plus justement, d’enliser cette fibre, qui persiste malgré les souvenirs auditifs… Réminiscences des jours précédents, des années, des siècles.

Je n’ai pas non plus conscience de qui je suis. Perdu, au plus profond d’un monde que je ne reconnais pas, la peur est une compagne silencieuse, naturelle. La peur, que peut-elle faire de bon? M’aider à décrire ce que je vis?

Je voudrais vivre, vraiment vivre, veux-tu me partager ton souffle?

La terreur m’accompagne également, l’effroi à en avoir la nausée. Distincte de l’émotion précédente, celle-ci me saisit au bas-ventre et me malmène. Sans arrêt.

J’ai été créé pour aimer, partager, donner, aider. Je me retrouve secoué, souffrant, tremblant, blessé, terrorisé. Les coupables de ces sensations affligeantes ont-ils conscience du mal qu’ils créent à tout venant? Ne termineront-ils une abomination que pour en rêver une autre ailleurs?

Je me souviens du début de l’étape de création, au sortir d’un couloir, voie paisible donnant sur l’attachement. Séché, bercé, accueilli, entouré.

J’avais cru au bonheur vivant, en lien avec l’autre escale, interne, utérine.

Il y a un Souffle. Aucune frontière ne le ralenti. Il connaît le centre de tout puisque là, bat la vie authentique. Pour plusieurs, le noyau desséché tente de mourir de toutes ses forces mais le Souffle est plus fort que tout et recrée.

…et recrée. Suffit de dire oui.

Je voudrais vivre, veux-tu me partager ton…

Un bruit inattendu et cauchemardesque n’en finit plus de tumul-tuer. Je pourrais lui faire écho si la cendre, la poussière et le plâtre ne me faisait étouffer sans fin dans cette réalité qui tient du rêve.

J’ai mal. Mal du vide qui m’enserre comme un étau.

Le Souffle me suivra mais peut-être n’en suis-je pas conscient ici.

Je suis un nourrisson de la Syrie, de Palestine, du Yémen, de l’État d’Arakan, rattaché à la Birmanie, du Soudan du Sud, de l’Irak, du bassin du Tchad, du Congo, de l’Afghanistan, de l’Ukraine et du Mexique.

Je voudrais vivre, veux-tu me partager ton Dieu-Souffle?