JOURNÉE MONDIALE DE LA PRÉVENTION DU SUICIDE, HOMMAGE À RICHARD
J’ai connu Richard en 1970. Je le trouvais grand, mince, absolument verbomoteur, bruyant et sympathique. Pour l’adolescente réservée que j’étais, il me paraissait capable de briser toutes les limites, de surmonter les obligations, de contourner les principes et de rire partout. Je n’étais pas amoureuse de lui mais je le considérais comme une nouveauté désinvolte, voire sans gêne et vergogne.
Il m’amusait, il m’amusait tellement.
J’aimais le suivre de loin au restaurant et l’entendre parler fort de façon comique mais toujours à peu près attentive à l’autre. Il avait un cœur d’or et une sensibilité d’enfant de laquelle il ne s’est jamais déparé.
Au cours des années qui ont suivi, Richard est devenu un géant. Costaud, immense, tapageur, parfois adorable mais presqu’épuisant.
Au début de notre vie d’adulte, un été, après avoir défoncé de ses deux mains les armoires de sa cuisine, il a été diagnostiqué bipolaire et hospitalisé.
À l’hôpital, alors que j’ai vu ce grand oiseau blessé, je ne me suis pas doutée que je le reverrais dans cet état de nombreuses fois au cours de notre existence.
À de multiples reprises, ses ailes déployées, alourdies jusqu’à s’étendre immobiles sur le sol, l’ont empêché de prendre son envol, obligeant son quotidien trop souvent douloureux à porter le poids d’un cœur malheureux. Un cœur qui ne savait plus rire.
Un 24 mai ensoleillé, Richard a rejoint volontairement le ciel.
On a dit de lui qu’il s’est donné une autre vie.
Je le crois.
Sa sensibilité d’enfant plane encore de temps en temps autour de nous.
Elle se fait souvenir. Inexpliqué, inexplicable.
On a dit de lui qu’il s’est donné une autre vie.