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Depuis deux jours je prie pour vous Monsieur.

 

Depuis deux jours je prie pour vous Monsieur. Depuis que mon journal télévisé vous a montré pleurant. Pendant une fraction de seconde, je me suis mise à votre place et la terreur m’a envahie totalement. Et puis, mon cellulaire a sonné et je me suis empressée d’enfouir mon horrible évocation à l’intérieur de moi.

Vous savez, j’ai trois enfants aussi, trois adultes merveilleux.

Hier alors que l’un d’eux écoutait les nouvelles, j’ai entendu vos cris. Oui, je les ai reconnus. Je pourrai pour un temps les différencier des autres, les nombreuses plaintes venant de votre pays, la Syrie.

Vos gémissements avaient un son de fin du monde, l’éclatement monstrueuse de votre monde qui n’en finit plus de se morceler. Vous teniez vos deux enfants dans vos bras. Leurs petits corps ballants  avaient pris une teinte grisâtre, presque déjà abandonnés à la raideur cadavérique qui serait leur lot avant de redevenir poussière. Ils avaient été gazés.

Explosion de votre propre univers à l’intérieur de l’autre meurtri.

Victimes innocentes, vous l’étiez plus qu’eux encore alors que vous conserveriez votre vie durant la plaie profonde de ce déchirement…

Depuis combien de mois, d’années, saviez-vous que votre peuple, votre famille et vous-même étiez des cibles humaines probables, des pions dans le jeu d’un fou ? Depuis combien de temps vous consoliez-vous en espérant pour eux une société inexistante dans un avenir utopique ?

Attendez-vous vraiment que les pays autour de moi aillent combattre et punir les dirigeants sans cœur qui ont rendu votre vie misérable ? Bien sûr, elle l’avait toujours été. Qu’est-ce que cela changerait pour vous ? Bien sûr, le dommage irrémédiable fait à votre quotidien mettait un point terminal à cette fibre paternelle meurtrie.

Vous n’attendez probablement plus rien.

Les tirs chirurgicaux des régions riches du globe ne pourront changer votre situation désespérée. Ils feront seulement d’autres morts innocentes dans le lot.

Restait Dieu mais il ne sied pas d’en parler.

Depuis deux jours je prie pour vous Monsieur. Je repense à votre drame et sait qu’il a été et sera multiplié au cours de l’histoire humaine.

Reste Dieu. Le mien, le vôtre ont tendance à se ressembler, à fusionner.

Je le vois en vous maintenant. Vous êtes deux à pleurer.