Lettre au Diocèse de Montréal
Cher Diocèse, d’une façon ou d’une autre, je dois souligner l’initiative adoptée par ton dirigeant, qui a dévoilé au Devoir les mesures finalement prises pour s’attaquer aux abuseurs en son sein. Je l’avoue, cette décision a sa valeur. Elle arrive avec des années de retard, des siècles. On ne l’espérait plus mais elle est là, alors félicitons!
On le sait, l’Église est lente, voire engourdie, à prendre des décisions. Pourtant, nous connaissons tous des enfants, de jeunes adultes de toutes les nationalités, de tous les pays, qui ont été les proies innocentes des membres de la Sainte Église catholique. Il n’y aura plus d’abus — sexuels ou autres — cachés sous la soutane[1] annonce en début d’article la Presse Canadienne. Permets-moi de croire candidement qu’il n’y a plus de soutane. Les blessures de nature sexuelle ou autres continueront dans l’Église tant que cette dernière n’aura pas changé en profondeur, cher Diocèse, j’en suis persuadée.
J’ai profondément cru en sa valeur, j’ai fait du bénévolat, prié, participé. Bref, je me suis engagée. J’ai bien été çà et là, victime de quelques instants gênants mais j’avais toujours une excuse pour cette Église en laquelle je croyais si fort.
Tu as remarqué mon verbe à l’imparfait? Non, je n‘y crois plus. Elle n’est qu’une utopie, n’a jamais été fondée par Jésus, ne comprend que la moitié de l’humanité, et surtout a noyé le message dans l’eau corrompue de son bain!
Le message d’amour, l’unique vrai message, le seul commandement de Jésus. Voilà ce qui se noie misérablement, encore et encore dans cette eau humaine remplie de cardinaux, de monseigneurs, d’abbés, de saintetés masculines alors que Jésus meurt et n’en finit plus de mourir sur l’autel d’une société blessée, souffrante et perdue.
La décision de sévir contre les agresseurs me semble une goutte d’eau dans l’océan de plaies et de souffrances d’hommes et de femmes qui ont cru un jour en ces propos que ces messieurs apportaient. Message truqué s’il en est, puisque leurs lèvres disaient ce que leur sexe tuait. Comme ils s’étaient auparavant annoncés comme un peu moindre qu’un Dieu, leur geste mauvais s’exécutait au nom de l’Amour même, alors qu’ils détruisaient la victime, sa vie, sa foi et son espérance. Ils tenaient un message sacré qui illuminait et révélait un brasier d’amour et leurs actions honteuses en ont fait perdre le sens profond.
Lorsque la semaine dernière j’ai lu qu’un élu d’un autre Diocèse se permettait de condamner l’homosexualité, j’en suis demeurée vraiment estomaquée! Lis bien ceci cher Diocèse…
Jésus disait à ses disciples, hommes et femmes bien entendu! : « Il est inévitable que surviennent des scandales, des occasions de chute ; mais malheureux celui par qui cela arrive ![2]
Selon toi, où est celui qui scandalise?
En cette fin d’article, j’aimerais te dire quelques mots sur Dieu( e ). Celui qui n’est pas sexué, n’est pas non plus tout-puissant mais dont l’unique énergie est l’Amour à l’infini. Son Envoyé, Jésus, est semblable à Dieu et vient de Dieu. Il n’a rien à voir avec l’Église-Mâle dont l’autorité rejette certaines personnes parce qu’il leur ressemble. En effet, il s’apparente en tous points à ceux qui sont repoussés, chassés, expulsés. Il est semblable aux transgenres, aux homosexuels, aux divorcés, aux oubliés, aux prisonniers, aux enfants-soldats, aux esclaves…
Il ne te ressemble pas, cher Diocèse, toi qui parais avoir totalement oublié que la parole Église veut dire Assemblée et qu’une assemblée ressemble point par point à la société!
Rita Amabili
Auteure et théologienne féministe
[1] L’archidiocèse de Montréal dévoile les mesures pour s’attaquer aux abuseurs en son sein | Le Devoir
[2] Luc 17, 1